LA PASSION SELON ZWOBADA
Un documentaire de Christophe Horner et Gilliane Le Gallic (’55)
Coproduit par ETC – La Sept – ARTE
Diffusion sur ARTE le 15 Janvier 1996
(Extraits)
Bien qu’ils l’ignorent encore, ce hasard va forger leur destin. Si René admire l’acharnement avec lequel Jacques poursuit cette très fugitive inspiration divine, ce génie en lui, de son côté, Jacques voit en René une sorte d’image idéale de lui même, au point de vouloir parfois prendre sa place. Essentiellement complémentaires, les 2 artistes deviennent inséparables.
Après le Bolivar, le succès est tel que les ateliers de Jacques et René auraient pu devenir des usines à sculpter, mais chacun préfère travailler seul, sans un essaim d’assistants, refusant de jouer le jeu de la réussite sociale. Entre 1933 et 1939, Jacques et René exécutent de très nombreuses commandes publiques.
Ils survivront à la guerre qui fait rage en Europe mais personne ne sortira indemne de celle qui va éclater à Fontenay. Si René et Antonia s’aiment encore, ils ne sont pas vraiment fait l’un pour l’autre. Dans la maison d’à côté, Jacques, à 42 ans, est en proie à l’angoisse. Il n’a jamais été aussi seul. Il désespère de se renouveler. « Je suis de plus en plus troublé par cette force intérieure et je suis bien prêt de rejeter tout ce qui me semble réel pour conquérir enfin une forme qui saura satisfaire non mon œil, mais le domaine de mon âme ».
Un après-midi de juin 42, Jacques est à sa fenêtre : « Il faisait doux, l’ombre était rose et profonde, et le soleil trainait l’or sur l’herbe humide. Antonia m’est apparue ». En cet instant, dix ans après leur première rencontre, tout devient clair : « Telle une vision divine, tout son être irradie la vie. Est-ce réel, est-ce imaginaire ? »
Puis, quatre mois plus tard, sur ce même banc, il déclare son amour à Antonia. Loin de l’accepter sans réserve, elle lui donne pourtant des raisons d’espérer. C’était le 6 octobre : « Ma vie commence en cet après-midi d’automne, une étincelle a jailli et depuis tout brûle, tout est incandescence, tout est transformation, tout est amour. »
La libération s’arrête aux portes de Fontenay où Antonia se trouve prise dans l’œil du cyclone entre René qui lui fait miroiter un autre enfant et Jacques qui lui offre la sublimation dans l’art : « Ta lettre me dit combien ton abstraction te porte en avant. Pour moi c’est la seule expression du mystère. L’art n’est qu’un spectacle pour l’art. Il faut être touché par ces formes qu’évoquent en vous l’expression intense de la vie que nous portons en nous ».